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Le Changement des six ans (2)

par | Jan 19, 2011 | Classe 1, Classes, Pédagogie Waldorf-Steiner | 5 commentaires

Le changement des six ans, partie 2

Voici le deuxième article généreusement traduit par Apasdelutin. Il s’agit d’un article de Donna Simmons, pédagogue et enseignante Waldorf Steiner bien connue outre-atlantique.

Le premier volet de cet article est ICI.

Etre prêt pour la première classe
Donna Simmons

Si je comptais le nombre de fois où cette question a été soulevée… Mais cette question est essentielle et, en la comprenant pleinement, on peut arriver à une compréhension plus profonde de la pédagogie Waldorf.

Cette dernière est basée sur le travail autour de trois périodes distinctes de l’enfance : 0-7, 7-14 et 14-21 ans (voir http://www.christopherushomeschool.org/learning-more/waldorf-101.html pour plus de détails).

Évidemment, 7 et 14 ans sont des tournants et des questions se posent quant à savoir si un enfant devrait avoir plutôt 6 ou 7 ans avant de débuter la première année – ou 13 ou 14 lors du démarrage de la neuvième année. Si tous les enfants dans l’hémisphère Nord avaient leur anniversaire en Septembre, et donc commençaient la première année le jour de leur sept ans, cette question ne se poserait pas ! Mais… la vie n’est pas ainsi faite.

De ce fait, se pose la question de la date sur laquelle se baser. Cela est d’autant beaucoup plus important pour les gens qui envoient leurs enfants à l’école que ceux qui instruisent en famille et qui ont un peu plus de liberté pour décider quand débuter l’instruction, mais, néanmoins, cela reste une question cruciale.

La règle de base pour déterminer quand un enfant devrait commencer en première année, c’est qu’il ou elle devrait avoir connu sept Pâques sur la Terre. Pâques tombe le premier dimanche après la première pleine lune après l’équinoxe de printemps. Si l’on admet que la lune, les étoiles et les planètes ont une incidence sur nos vies, alors on peut saisir que l’influence de cette date dans la vie d’un enfant peut avoir des conséquences importantes.

Ainsi, le moment pour entrer en première année ou rester en jardin d’enfant n’est pas arbitraire. Ce qui est arbitraire est de se fier uniquement à des dates telles que le premier juin (ou janvier), comme cela se pratique très souvent dans les écoles.

Un enfant devrait avoir 7 ans durant la grande partie de sa première année scolaire. Si son anniversaire est en hiver, il aura donc 6 ans la moitié de l’année, et 7 l’autre moitié. Certains ne veulent pas qu’un enfant aient 8 ans en cours d’année. Cela dit, si un enfant a son anniversaire à la fin du printemps, il ne passera qu’un mois ou deux en tant qu’enfant de 8 ans. Mais il ne faudrait pas qu’un enfant, par exemple, ait 8 ans en décembre ou janvier et ait donc 8 ans pour la moitié de la première année !

Beaucoup de gens – dont dans les écoles Waldorf – se basent sur une variété d’observations et des tests pour déterminer si un enfant est mûr pour débuter la première année ou non, à l’âge de 6 ans. Un problème que j’ai avec cette liste et cette approche est que toute idée de processus est souvent perdue.

Oui, les élèves de première année doivent être aptes à certaines activités et avoir certaines compétences. Mais pour la plupart, ils ne leur suffirait que de commencer à être en mesure de les faire et beaucoup ne les maîtriseront pas complètement avant un certain temps.

Je constate donc que de telles listes peuvent causer de l’anxiété chez certaines personnes : “Pourquoi mon enfant n’est-il pas en mesure de faire ces choses ?” Tout aussi problématique est la situation où un enfant très jeune, peut-être de moins de 6 ans, peut accomplir toutes ces tâches. Je dirais que, dans une telle situation, l’enfant est habile et avancé – mais pas encore prêt pour la première année.

Pourquoi suis-je si conservatrice à ce sujet ? Parce que j’ai travaillé avec des enfants ayant de nombreuses origines, provenant de différentes classes économiques et disposant de différentes habiletés et je vois en l’enfance précipitée le plus grand ennemi d’une enfance heureuse, nourrissante et saine.

C’est aussi simple que cela. Et j’inclus parmi ces enfants aussi ceux des écoles Waldorf qui ont commencé l’école trop tôt.

Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles de nombreuses écoles Waldorf choisissent de faire débuter les apprentissages a des enfants d’à peine six ans : la pression des parents, le désir de remplir une classe, la pression du gouvernement local…

Une des raisons avancées que j’aie entendu pour justifier l’entrée des enfants à 6 ans est l’exhortation de Steiner de donner des défis aux enfants et de ne jamais simplement leur enseigner au niveau où ils sont, mais toujours légèrement en avance. Mais je crois que cela peut être facilement – et à juste titre – réalisé en respectant la sagesse du programme Waldorf, qui est clairement fondée sur l’âge chronologique.

Et, pour beaucoup, cela peut sembler étrange ! Chaque enfant est différent et chaque enfant apprend différemment, dit-on. Oui, absolument ! Mais je voudrais dire catégoriquement que le programme Waldorf répond aux périodes de développement que tous les enfants traversent.

Et c’est parce que le programme ne repose pas seulement sur les compétences. Au contraire, le secret de la pédagogie Waldorf réside dans le fait qu’il s’agit d’une éducation de l’âme. Et l’âme de chaque être humain se déplace sur une étape claire de développement. La pédagogie Waldorf répond à cette évolution et rejoint chaque enfant comme si elle marchait le long de son chemin.

Mais revenons à la question de l’âge : pour moi le point fondamental est que le programme de première année est conçu pour parler de ce qui se passe sur le niveau de l’âme à l’enfant de 7 ans. De même la seconde année pour les 8 ans ; la troisième année pour les 9 ans et ainsi de suite.

En ce qui concerne les compétences (capacité à multiplier, tricoter un chapeau, lire, faire de la calligraphie, etc.), je dirais que c’est différent. Je suis ici en conflit avec de nombreux autres éducateurs Waldorf qui soulignent la nécessité pour les enfants de maîtriser certaines compétences à certains moments, selon le programme.

Mon expérience me dit le contraire. J’aborde ces questions en détail dans Waldorf Curriculum Overview for Homeschoolers et en particulier dans Living Language. Donc, pour moi il y a plus à faire avec le programme en lui-même qui doit refléter clairement le développement de l’âme de l’enfant.

Pour conclure, je voudrais dire deux choses. Tout d’abord, que j’ai de la sympathie pour les parents d’enfants de 6 ans qui s’inquiètent : “Mon enfant veut apprendre !“, disent-ils. Bien sûr, oui. Et c’est très bien. Mais les apprentissages intellectuels ne sont pas nécessairement ce qui est le plus sain à cet âge – pas encore. J’encourage les parents des enfants de 6 ans à penser en termes de programme avancé de jardin d’enfant : plus de défis, une plus grande responsabilité.

Des projets manuels qui prennent plusieurs étapes et jours à finir, plus de cuisine, de jardinage et de travail avec de vrais outils, des contes de fées plus élaborés, la responsabilité d’une corvée ou d’un animal de compagnie et des choses comme des puzzles qui peuvent absorber une partie de cette curiosité et du désir d’apprendre, mais d’une manière adaptée à l’âge, de façon à continuer à soutenir la première phase du développement de l’enfant.

Pour les enfants qui sont vraiment insatiables, je recommande de commencer à travailler avec des concepts mathématiques – laissez l’écriture et la lecture pour la première année. Les mathématiques sont, après tout, partout, y compris dans le corps de l’enfant (deux mains, dix doigts, etc.) et sont donc beaucoup moins abstraits que l’écriture et la lecture.

Entrée en première classe : aidez votre enfant en choisissant le bon moment !

par Benoit Alicia-Clark

Des études indiquent que les enfants qui démarrent l’école trop tôt peuvent éprouver un certain nombre de difficultés. Les chercheurs James Uphoff et Juin Gilmore ont constaté que les enfants étant entrés en première année âgés de moins de six ans et trois mois ont tendance à avoir plus de difficultés que les enfants plus âgés. Ces jeunes enfants ont tendance à ne pas être à l’aise et cela se ressent sur leurs résultats aux tests.

Ils ont tendance à redoubler une année et montrer des signes de troubles d’apprentissage plus fréquents. Les problèmes scolaires de ces enfants durent souvent jusqu’à l’adolescence et l’âge adulte. Les conclusions de Uphoff et Gilmore nous font prendre conscience de la gravité des enjeux lorsque l’on songe à faire entrer un enfant en première classe.

Et Uphoff et Gilmore ne sont pas seuls dans leurs conclusions. Une émission de radio nationale, All Things Considered, a récemment rapporté cette préoccupation croissante à l’échelle nationale :

Le vieil adage dit : “Vous n’êtes jamais trop vieux pour apprendre.” Mais peut-être y aurait-il à dire sur le fait d’être trop jeune… Les spécialistes du développement affirment désormais que trop, trop tôt, ne va pas donner à votre enfant une longueur d’avance, et que de se situer sur la voie rapide peut même faire du mal…

L’apprentissage vient naturellement aux enfants et, lorsque les enfants sont prêts à apprendre, vous ne pouvez pas les arrêter. Mais il est question à nouveau de la notion d’”être prêt”, et celle-ci est une affaire individuelle.

Il y a des signes qui peuvent vous indiquer si un enfant est prêt pour la première année. Sur le plan physique, l’enfant de première classe présente des membres qui sont maintenant en proportionnés avec le corps et la tête. Il a perdu sa graisse de bébé et a les traits du visage davantage dessinés.

Dans le domaine affectif, alors que le jeune enfant exprimait ses émotions fortes par le biais de crises soudaines, il a à présent des sentiments plus complexes. Un enfant va parler de « préjudices moraux » et être triste. Socialement, l’enfant prêt pour la première classe commence à former des amitiés beaucoup plus profondes qu’auparavant. L’enfant éprouve un sentiment de fidélité pour ses amis et exprime souvent le désir d’être avec eux.

Dans le domaine de la pensée, on peut assister à la naissance de la mémoire libre. Celle-ci est différente de la mémoire d’un enfant de quatre ans. La mémoire de ce dernier est déclenchée par une vision, une odeur ou des paroles. Lorsque la mémoire est libérée de ces facteurs extérieurs, vers l’âge de six ou sept ans, l’enfant peut fouiller à volonté dans sa mémoire et se remémorer ce qu’il désire.

En parallèle, les enfants commencent à développer la capacité de comprendre des concepts symboliques. Richard Cohen a étudié comment les enfants apprennent, dans une étude sur les jardins d’enfants gérée par l’UCLA School of Education: 
”Les enfants apprennent au travers de leurs expériences. Ils ne sont pas en mesure de penser symboliquement, de la manière dont nous aimerions à penser qu’ils en soient capables.

Ainsi, la plupart des enfants de moins de six ou sept ans apprennent mieux par la prise en main et la manipulation concrète d’objets, et par l’expérimentation de choses vécues. Ils ont besoin d’explorer leur monde pendant un long moment avant de pouvoir commencer à lier aux choses des symboles ou des concepts. “

Un autre changement qui opère dans l’esprit concerne le domaine de l’imagination, qui est différent de la fantaisie. Jouer en faisant appel à la fantaisie nécessite des accessoires. L’imagination nait quand un enfant n’a pas besoin d’objets physiques pour concevoir le jeu dans son esprit. Il se contente de s’asseoir et de jouer avec ce qu’il voit dans sa tête.

Les enfants prêts pour la première classe commencent à s’intéresser à l’art du langage et aux mathématiques. Ils aiment jouer avec les mots, faire des rimes ou opérer des changements de mots dans les chansons et les poèmes.

Joan Almon, dans son article, L’éducation pour la pensée créative : l’approche Waldorf, rapporte cette anecdote de l’enfance de la célèbre jardinière d’enfant viennoise, Bronja Zahlingen :

Quand elle était enfant, elle aimait à jouer dans sa chambre à coucher, avec de petits objets, assise près de la fenêtre. Elle créait une scène avec de petites poupées et des maisons et jouait avec eux pendant de longues heures. Elle se souvient qu’un jour, quand elle avait environ six ans, elle inventa une mise une scène comme d’habitude, mais ferma ensuite les yeux et la rejoua de « l’intérieur ». L’imagination était née, et elle fut en mesure de jouer d’une manière nouvelle.

Almon utilise cette histoire pour mettre en évidence la raison essentielle pour laquelle les apprentissages intellectuels ne doivent être introduits que lorsque commence le développement de cette imagination intérieure, et pour démontrer pourquoi l’imagination doit être un pilier central du programme de première classe :

Le développement de l’imagination est une étape essentielle dans le développement de la pensée, mais là où le développement de la fantaisie ne peut pas le conduire, le développement de l’imagination souffre également. Sans imagination, on ne peut pas se représenter un événement historique, un problème mathématique ou les personnages d’un conte.

Aborder des sujets académiques sans imagination est au mieux une affaire fade et il n’est pas surprenant que les enfants qui soient scolarisés sans bénéficier d’un accompagnement de l’imagination au niveau des apprentissages de base trouve si peu intéressant le fait d’apprendre. Leur imagination naissante n’est pas alimentée et nourrie.

Ceux qui ont été invités à maîtriser certains apprentissages au niveau de la maternelle peuvent connaître des problèmes plus profonds encore, leur imagination peut avoir été étouffée dans l’oeuf. Il semble que les enfants qui apprennent à lire avant l’âge de six ou sept ans perdent leur avance rapidement, car ils perdent leur intérêt pour la lecture et peuvent souffrir de symptômes de mal-être.

Cela n’est pas surprenant quand on pense qu’apprendre à lire sans tirer le bénéfice de son imagination – et rendre l’apprentissage vivant – est tellement dommageable. En revanche, selon mon expérience, les enfants qui ont le plus joué en jardin d’enfant et montré une fantaisie très active, ont tendance à devenir des élèves plein d’imagination et avec le plus grand intérêt pour la lecture, dans les classes primaires.

Ils ont aussi tendance à être enfants les plus justes et à l’aise dans leurs émotions, tant durant leur enfance que leur adolescence et leur vie d’adulte.

Comme l’enfant prêt pour débuter la première classe quitte le monde de la fantaisie et entre dans le monde de l’imagination, il laisse aussi derrière lui le monde de l’imitation et entre dans le monde de l’autorité. L’enfant se tourne vers l’adulte pour qu’il le guide et le considère comme celui qui « sait ». David Elkind, psychologue et président de l’Association nationale pour l’éducation des jeunes enfants, souligne quelques-unes des implications de cette foi de l’enfant en l’autorité des adultes :

Je pense que nous n’apprécions pas ce fait à sa juste mesure, mais quand on demande à un enfant, disons, de lire ou de faire un travail en mathématiques et qu’il n’est pas prêt à le faire, il se le reproche. Il se dit : voici un adulte, or les adultes savent tout, ils comprennent tout, et s’il me dit de faire cela, alors je devrais être capable de le faire, mais si je n’en suis pas capable, c’est qu’il y a quelque chose qui cloche en moi.

Alors ils se sentent coupables, et si nous les exposons à des expériences d’apprentissage inappropriées à leur âge, alors ils se blâment de ne pas être à la hauteur, ce qui inhibe le processus d’apprentissage ainsi que leur estime de soi et ainsi de suite. C’est donc une période critique en ce qui concerne l’apprentissage de ce que l’enfant va penser de lui-même, de l’école et des apprentissages.

Et si nous ne donnons pas aux enfants la possibilité de vraiment réussir, de se sentir bien dans l’environnement d’apprentissage, alors on risque des problèmes à long terme avec l’apprentissage, l’enseignement et l’estime de soi.

On peut aussi parfois se tourner vers les dessins d’enfants afin de voir s’ils sont prêts pour la première classe : les dessins de personnages ont des proportions raisonnables, les maisons tiennent debout et les dessins sont symétriques, ce qui a tendance à indiquer le degré de maturité nécessaire pour la première année.

Un autre domaine à examiner est le degré de conscience sexuelle de l’enfant. C’est l’âge où les enfants montrent un intérêt dans l’agencement du corps de chacun.

Joan Almon, dans le livret de l’association des jardins d’enfants Waldorf, Etre prêt pour la première classe et tout ce que cela implique, conclut :

Lorsque tous ces changements sont attentivement considérés, on ressent généralement fortement si l’enfant est prêt pour la première année ou s’il est nécessaire d’attendre une année de plus. Parfois, cependant, la situation est moins claire et, dans de tels cas, je suis d’avis que si l’on n’est pas dans la certitude, il est préférable d’attendre, pour la simple raison que quand un enfant est prêt, c’est une évidence.

De temps à autre, cependant, il faut aussi considérer la relation de l’enfant à ses camarades de classe qui vont entrer en première année, ou la relation de l’enfant à l’enseignant de première année. Il peut y avoir de rares exceptions où l’enfant n’est pas tout à fait prêt mais où les circonstances de la vie exigent qu’il serait préférable que l’enfant aille de l’avant …

Dans des pays comme la Scandinavie, où les enfants entrent forcément en première année âgés de sept ans, ce problème ne se pose pas…

Lorsque l’âge usuel est de six ans, cependant, la probabilité qu’il ne soit pas prêt est si élevée, et le prix payé par l’enfant si énorme, que l’on doit avoir une vision claire de ce qu’est un enfant prêt aux apprentissages intellectuels afin de prendre la meilleure décision pour l’enfant…

En dernière analyse, c’est l’observation attentive de l’enfant qui devrait guider les parents et les enseignants vers la décision à prendre pour cet enfant. On peut espérer que l’ange de l’enfant murmure à notre oreille et que nous écoutions attentivement.
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Alicia Benoit-Clar

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Alicia Benoit-Clark a enseigné l’éducation spéciale dans les écoles publiques pendant un certain nombre d’années. Elle est à présent jardinière d’enfant (pour les très jeunes) à la Green Mountain Waldorf School et a mis en place son propre groupe de jeu d’inspiration Waldorf à Walden.
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Tête, cœur, mains : Un Bulletin Waldorf pour les familles est publié gratuitement par la Green Mountain Waldorf School, jardin d’enfant et garderie du Vermont. 
Cet article peut être reproduit librement tant qu’il n’est pas modifié et mentionne le présent avis.

 

Traduction Carine/Apasdelutins

Source : http://www.christopherushomeschool.org/learning-more/articles-on-aspects-of-waldorf-education/articles-by-donna-simmons/first-grade-readiness.html

méditations

Crédit photo Aurore de Hulster