Célébrer Ramadan avec la pédagogie Steiner

par | Juin 8, 2018 | Célébrations, Autres festivals, Classe 1, Classe 2, Classe 3, Classe 5, Classes, Fée main, Jardin d'enfants | 8 commentaires

Comment célébrer Ramadan avec la pédagogie Steiner ?

Ramadan est une des célébrations musulmanes les plus importantes puisqu’elle s’organise autour d’un de ceux que l’on appelle « les cinq piliers de l’islam », c’est-à-dire les préceptes les plus importants que tout musulman se doit d’accomplir dans sa vie de croyant.

C’est peut-être le précepte que les non musulmans connaissent le mieux et qu’on assimile tout simplement au fait de jeûner. Mais en fait, c’est bien plus large que ça ; c’est un mois de dévotions et de ferveur profondes placés sous le signe de la générosité, du partage et de la convivialité ; très riche en émotions, il est aussi impliquant en terme de travail de préparation, en prières, en réjouissances, en visites… et en fatigue !

Cette année, le mois de Ramadan se déroule du 16 mai au 14 juin. Nous sommes donc en plein dedans et à côté de vous il y a certainement des familles musulmanes qui sont au coeur de cette célébration.

Mon amie Déborah nous a écrit un très bel article pour nous montrer et nous expliquer comment elle utilise la pédagogie Steiner dans leurs célébrations familiales du mois de Ramadan.  C’est un article très riche, très complet, qui s’adresse tant aux non musulmans qu’aux musulmans et qui a un intérêt évident pour ceux d’entre nous qui instruisons nos enfants avec la pédagogie Waldorf.

En effet, la pédagogie Steiner, ouverte sur le monde et humaniste, puise auprès de toutes les grandes figures qui ont influencé et forgé l’Humanité telle que nous la connaissons aujourd’hui. Dans les écoles Steiner du monde entier, les enseignants s’efforcent de prendre en compte les cultures d’origines des enfants qu’ils ont en classe et de préparer des festivals qui ont du sens pour eux. De plus, durant la classe 6, un bloc d’histoire concernant l’Islam (la civilisation) est traditionnellement réalisé ; on y découvre notamment le Prophète Mohamed et la diffusion de l’islam (la religion) jusqu’à la rencontre entre la culture européenne et la culture musulmane au Moyen Age. C’est un bloc très dense que l’on peut faire coïncider avec le mois de Ramadan.

De ce point de vue, l’article de Déborah sera d’une aide précieuse et extrêmement inspirante pour tous ceux qui ont à coeur de créer des festivals qui parlent au coeur des enfants et qui auront à planifier un tel bloc en classe 6.

Il est temps pour moi de lui laisser toute la place qu’elle mérite ! Merci Déborah de t’être prêtée aussi gentiment et aussi superbement à ma demande. Belle lecture à toutes et tous, Salaam !
Ramadan

Ramadan

Le 16 mai dernier au soir, les musulmans du monde entier, qu’ils soient malaisiens, ouighours, tchetchènes, yéménites, sénégalais, italiens, français, américains, tous scrutaient le ciel à la recherche du croissant lunaire inaugurant le mois de Ramadân.

Le mois de Ramadân entame désormais son dernier tiers. Ces dix derniers jours ont quelque chose de spécial et installent une atmosphère toute particulière dans les foyers musulmans… Nous sommes une famille musulmane dont les origines sont d’ici et d’ailleurs. Il nous tenait à cœur de transmettre à nos enfants certaines de nos traditions et de leur permettre de se lier tant à la terre qui les a vu naître qu’à celle qui les accueillera à la fin du voyage. Je remercie Monique qui m’a permis de vous présenter en toute modestie la façon dont nous vivons ce mois de Ramadân en nous inspirant de la pédagogie Waldorf Steiner. Je vous propose ainsi de partager ces derniers jours du Ramadân avec nous. Mes enfants sont encore assez jeunes (3, 5 et 7 ans), les activités proposées sont avant tout destinées à répondre aux besoins de cette tranche d’âge. Cependant, pour avoir été testées avec des enfants plus âgés, certaines de ces activités plairont aussi aux plus grands, ce sera l’occasion de passer un bon moment en famille et de créer de bons souvenirs.

Le jeûne du mois de Ramadân a une dimension à la fois intime et personnelle mais aussi très communautaire, collective et universelle. Depuis le VIe siècle et jusqu’à nos jours, durant ce mois, les musulmans jeûnent la journée et rompent à la nuit tombée, partageant le repas en famille, entre amis. Les plus démunis ne sont pas oubliés, les œuvres de charité se multiplient en ce mois : des repas sont offerts aux étudiants éloignés de leur famille, aux réfugiés dans les camps, aux orphelins … Beaucoup prennent part, à la fin du repas, à la prière collective à la mosquée, le Tarawih. On y récite le Qur’ân (Coran) de sorte qu’à la fin du mois, tout le Qur’ân aura été récité lors de la prière du Tarawih. Enfin, lors des dix dernières nuits, certains se retirent à la mosquée, I’tikaf, ou à défaut de se soustraire aux responsabilités du quotidien, s’accordent un temps plus important pour la lecture et la prière.

Le Ramadân est bien le mois du Qur’ân, c’est le mois qui commémore le début de la révélation. La toute première révélation eut lieu une nuit, lors des dix derniers jours du mois de Ramadân, alors que Muhammad (Paix et Bénédiction de Dieu sur Lui – PBSL- est une formule de respect que le musulman est invité à prononcer lorsqu’il évoque le Prophète) s’était mis en retrait du monde, dans une grotte, Hira. Personne ne sait exactement quelle nuit, si ce n’est qu’il s’agit d’une nuit impaire, peut être la 27e. De ce fait, la prière de nuit, lors des jours impairs, est très intense en émotion, les musulmans multiplient les prières nocturnes (Qiyyem) et prient  abondamment pour demander le Pardon et la Paix, espérant ainsi obtenir la bénédiction de la nuit sacrée, laylat al-Qadr.

Ramadan

(Sur la table de saison, les dix derniers jours sont symbolisés par des pierres, les jours impairs par une pierre « précieuse »)

Le calendrier musulman est lunaire, il compte onze jours de moins que le calendrier solaire, par conséquent, il traverse les saisons à rebours. Ces dernières années, le Ramadân couvre les jours les plus longs de l’année. Les journées sont longues, et chaudes (ou pluvieuses cette année), les nuits sont courtes et passent très vite après avoir mangé et prié. Chaque famille a très certainement ses petits rituels, ou habitudes, tout autant de petites choses qui sont transmises de génération en génération. Les repas et les soirées sont souvent l’occasion de réunir tout le monde autour des anciens, qui livrent aux plus jeunes de croustillantes anecdotes. Amin Maalouf évoque ces journées dans son Léon l’Africain :

« Cette année-là, le saint mois de ramadane tombait en plein été, et mon père sortait rarement de la maison avant le soir, car les gens de Grenade étaient nerveux dans la journée, leurs disputes étaient fréquentes et leur humeur sombre était signe de piété, puisque seul un homme n’observant pas le jeûne pouvait garder le sourire sous un soleil de feu, …»

Le recueil de Contes Arabes, (éditions GRUND, 1978) commence avec l’histoire d’un petit groupe d’hommes de mauvaise humeur dirons-nous, assis près de la porte d’Orient au Caire. Il faisait chaud, ils avaient faim, et attendaient le coucher du soleil. Ils cherchaient de quoi les occuper et se mirent d’accord pour écouter les contes de deux jongleurs … Nous ne pouvons vivre le Ramadân de ces dernières années de la même façon que lorsqu’il fut en hiver. Cette année nous offre un Ramadân printanier, et c’est bien ainsi que nous le vivons. Il y a une très belle parole qui revient chaque année pour inciter à la préparation du jeûne du Ramadân dès les deux mois lunaires le précédant :

Abou Bakr al-Balkhi dit : « Le mois de rajab est le mois de la culture de la terre. Le mois de Sha’ban est celui de l’irrigation et le mois de Ramadan est celui du moissonnage […] le mois de Rajab est comme le vent et le mois de Sha’ban comme le nuage et le mois de Ramadan comme la pluie. Celui qui ne plante ni ne cultive en Rajab et n’arrose pas en Sha’ban, comment celui-là pouvait il récolter en Ramadan.»

J’ai modifié les paroles d’une chanson appartenant au registre musical Waldorf, afin de répondre à ce moment particulier de l’année lunaire et ainsi transmettre à mes enfants, le sentiment que quelque chose se prépare …

Fatma-Zohra, Fatma-Zohra, que fais tu ce matin ? Je sème des graines, je sème des graines dans mon petit jardin Fatma-Zohra, Fatma-Zohra, que fais tu ce matin ? J’arrose mes fleurs, j’arrose mes fleurs dans mon petit jardin Fatma-Zohra, Fatma-Zohra, que fais tu ce matin ? Je cueille mes fleurs, je cueille mes fleurs dans mon petit jardin !

Les oreilles familiarisées reconnaîtront la chanson Madleinala (CD : Au fil des Saisons). Nous avons donc commencé à fredonner et chanter cette chanson dès le mois de Mars, en plantant nos bulbes dans le jardin de grand-mère (Mima). Peut être aurons-nous la chance de cueillir quelques fleurs lorsque nous y retournerons pour fêter ensemble la fin du Ramadân, l’Aïd. Lors de notre petit cercle matinal, nous récitons quelques versets du Qur’ân. Tout au long de l’année nous ajoutons des versets ou des petites prières (Do’as). Ainsi, notre aînée âgée de 7 ans a manifesté son envie de jeûner et prier le soir avec nous, elle témoignait incontestablement d’une grande volonté qui allait au-delà d’un simple désir d’imiter les grands. Après avoir appris les mots nécessaires à la prière, elle s’est choisi un tapis de prière. Les jeunes enfants aiment beaucoup prier avec les grands. Cela peut parfois se transformer en partie de saute-mouton ! A la fin nous nous asseyons ensemble, saisissons la Sabha (sorte de chapelet de 99, 33 ou 11 perles représentant les 99 noms de Dieu) et invoquons (Tasbih) : subhanAllah (Gloire à Dieu) 33 fois, al-hamdulillah (Louanges à Dieu) 33 fois, Allahu Akbâr (Dieu est le plus grand) 33 fois, et enfin nous récitons la profession de foi, Il n’y a de Dieu que Dieu et Muhammad est son envoyé. D’ailleurs, il nous arrive très souvent de rencontrer un ancien assis à l’ombre d’un arbre la Sabha à la main. Mes filles ont d’abord appris à le faire avec les articulations de la main droite (très intéressant à faire quand l’enfant apprends la notion de centaine). Mais il arrivait assez souvent qu’elles s’emmêlent les doigts ! Les enfants petits et grands peuvent alors réaliser leur propre Sabha, ils s’en saisiront avec joie après la prière.Enregistrer

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Ramadan
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Ainsi les graines étaient semées et arrosées …

Aquarelles

Nous avons créé un calendrier lunaire il y a quelques années de ça. Il peut être très facilement réalisable à l’aquarelle. Pour cela, il suffit de découper 30 ronds dans un papier Canson® ou spécial aquarelle. On commence par mouiller généreusement le papier. Je conseillerais de dessiner et colorier au préalable la phase lunaire avec un crayon de cire Stockmar® blanche. Ensuite on étale dessus à l’aide d’un pinceau assez large l’aquarelle bleu de Prusse (Stockmar®), pas trop diluée pour un effet plus sombre. Une autre technique un peu plus compliquée consiste à étaler le bleu, puis à rincer le pinceau et venir retirer l’aquarelle bleue sur la partie qui doit faire apparaître la partie lumineuse de la lune.

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Pour marquer les différentes étapes du cycle de la lune, plusieurs activités peuvent être réalisées avec les enfants, la guirlande évoquée plus haut, des lunes en cire sur des galets – très simple et facile à faire avec n’importe quelle pierre, les plus jeunes apprécieront. Les plus âgés peuvent prendre 3 bâtons et sur chacun des bâtons faire une encoche, tous les jours, pour donner une meilleure compréhension du dernier tiers du mois. Les plus doués au crochet pourraient réaliser des lunes et en faire une guirlande aussi. Tout ceci peut être réalisé dans un but décoratif. Chez nous, le calendrier lunaire est un élément à part entière de mesure du temps. Les enfants aiment beaucoup parler en ces termes : « A la prochaine lune nous irons chez mima ».

Ramadan
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Dans la pédagogie Steiner, l’aquarelle est l’occasion de raconter une histoire. Puisque notre calendrier était déjà fait, nous avons repris en partie la chanson de Yusuf Islam, « Ramadan moon », pour réaliser une belle aquarelle représentant le début de ce mois de Ramadân. Pour ce faire, vous aurez besoin de papier à aquarelle ou du papier type Canson® 180gr ou 240 gr ainsi que d’aquarelles Stockmar®.

Voici pour la première aquarelle :

Tout le monde va et vient ! Chacun s’affaire ! Il y a comme de l’agitation dans le monde cette nuit ! Tout le monde est excité ! Papa va bientôt rentrer à la maison Tout le monde espère voir la lune Tout le monde espère apercevoir un signe ! Tout le monde est si heureux …

Gestes : Après avoir imbibé sa feuille d’eau, peindre, depuis le haut de la feuille, avec le bleu de Prusse, en reproduisant des vagues dont la couleur s’éclaircit au fur et à mesure que l’on descend vers le bas. Peindre une bande jaune citron en bas de la feuille (il s’agit des lumières de la ville), le bleu et le jaune ne se touchent pas.

Lune, Lune, viens ! Nous sommes tous réunis pour apercevoir la lune du Ramadan ! Nuages, pousse toi s’il te plaît ! Brouillard, va t-en s’il te plaît ! Ville, veux tu bien éteindre tes lumières ! Nous voulons voir la lune du Ramadan !

Gestes : Tous ensembles, appelez la lune, les jeunes enfants apprécient. Demandez aux nuages et au brouillard de s’en aller, et à la ville de s’éteindre tout en dégageant avec un pinceau propre l’aquarelle bleue au milieu de la feuille, révélant ainsi un magnifique croissant bleuté (tourné vers la gauche en ce début de mois !).

Ramadan
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 Seconde aquarelle :

Maintenant que le Ramadan a commencé Que la lune a été vue de tous C’est ensemble que nous jeûnerons ! Tous les musulmans du monde entier ! Voici l’heure de l’Isha (la prière du soir lorsqu’il fait bien noir) Il est l’heure d’aller prier L’imâm est déjà à la mosquée Le Qur’ân est dans son cœur

Gestes : Après avoir préparé la feuille, nous faisons un cadre bleu tout autour de la feuille, il faut être généreux avec la peinture peu diluée. Elle représente la nuit qui nous enveloppe au moment de la prière de l’Isha. Au centre, on commence par faire éclater le jaune citron, puis le jaune or qui le retient en son centre, puis nous dessinons un cœur avec le rouge vermillon plus centré sur la feuille, et enfin plus centré encore, par-dessus le précédent, un autre cœur avec le rouge carmin. Et nous voilà avec un cœur plein de lumière.

Ramadan
Ramadan

Nous avons refait ces aquarelles sur des formats plus petits afin de réaliser des petites cartes pour souhaiter un bon ramadan à nos proches. Elles peuvent aussi être offertes à la fin du Ramadân pour souhaiter une bonne fête de l’Aid, on pensera alors à dessiner le dernier croissant ! Pour finaliser ces cartes, nous avons utilisé deux objets. Mon aînée s’est saisie pour la première fois de son kalam (sa plume) et de son encrier. Quant à ma cadette et ma benjamine, elles ont pris un bout de bois que les plus grandes ont taillé avec grand soin au canif, lors d’une balade en forêt. Chacune s’est ainsi initiée à l’écriture arabe. Puis, pour sceller l’enveloppe, rien de mieux qu’un sceau avec de la cire à modeler (Stockmar®). Nous avions profité d’une visite au souq, deux mois auparavant, pour commander auprès d’un artisan bijoutier une bague avec les initiales de notre aînée pour ses 7 ans. La notion de sceau fera écho dans les prochaines années à l’expression : Muhammad sceau des Prophètes.

Ramadan

Les contes

Les contes font partie de notre routine quotidienne. Après avoir testé différentes méthodes pour capter l’attention des plus jeunes, certains éléments me sont apparus indispensables.

  • Si vous avez la possibilité de connaître le conte (pas du par cœur mais avec le cœur) alors incontestablement, les enfants seront plus réceptifs si vous le conter de vous-mêmes sans livre ;

  • La bougie crée une lumière douce et vivante. La flamme oscille avec le souffle des mots, et le vent des mouvements de l’assemblée. Et puis, à l’époque de Muhammad (PBSL), EDF n’existait pas ! Qui n’a pas été fasciné par les immenses lustres surplombés par de majestueuses voutes dans les plus belles mosquées que compte le monde musulman. Je suis convaincue que l’éclairage électrique nous prive d’une partie de cette atmosphère vivante, les oscillations de lumière sur les stucs… Le conte est en soi une invitation à l’évasion, la bougie offre en plus l’occasion de s’échapper de notre quotidien qui nous entoure. Dans la pénombre, tout le monde se rassemble autour de cette flamme et partage un moment unique (à chaque fois que l’on contera l’histoire, celle-ci sera quelque peu différente d’ailleurs).

  • Si vous n’êtes pas à l’aise avec la bougie, il est possible de réaliser en journée un conte sur table. Le conte est alors incarné par des marionnettes ou des objets tricotés, en bois ou autre (marionnettes sur des cuillères en bois par ex). Là encore, j’ai pu remarquer combien les enfants sont attentifs lorsque les objets ont été réalisés, soit par eux-mêmes, soit par les parents. Et l’on ne peut que se délecter en observant ensuite les enfants installer eux-mêmes l’histoire, les plus grands la contant parfois aux plus jeunes qui la conteront ensuite à l’assemblée des doudous/poupées.

Nous avons pu nous rendre durant le mois de Rajab sur les terres des ancêtres de mon époux, la Tunisie. Nos enfants étant déjà très liés à la terre qui les porte la plus grande partie de l’année, se sont sentis transportés en découvrant pour la première fois la terre de leurs ancêtres tunisiens sous les couleurs et les senteurs printanières. Jusqu’ici nous l’avions visité l’hiver ou l’été. Le jaune or du mimosa, le rouge plein de lumière du bougainvillier, mais aussi les senteurs envoûtantes de la petite fleur délicate de l’oranger, sans parler des champs de fleurs et les quelques iris violettes perdues dans cet océan de jaune. Le vol majestueux de la cigogne attirant le regard au plus haut, la danse des hirondelles qui donne le tournis, le troupeau de moutons et le berger qui veille, le pas lourd, pesant du dromadaire, … Et puis il y a ces deux arbres qui en imposent, par leur forme, une certaine prestance et qui se révèlent non pas par des couleurs, ou par des odeurs, mais par le goût… le figuier et l’olivier qui préparent en ce printemps leur généreux fruits. Le conte qui nous a accompagné en ce mois de Ramadân est celui du célèbre figuier qui pousse, selon les versions, à Cordoue, au Caire, … J’ai eu un peu de mal à trouver en français de beaux contes traduits dans une belle langue. Le conte que je vous présente peut être trouvé en différentes versions plus ou moins appréciables. C’est celle de Nacer Khemir qui nous a touchée, intitulée La quête de Hassan de Samarkand, Actes Sud Junior. Ce conteur tunisien est incontestablement notre coup de cœur. Il y aurait beaucoup à dire mais cela nous ferait sortir du cadre de cet article. Je vous invite grandement à découvrir ce conteur.

Dans la ville de Samarkand, vivait avec sa vieille grand-mère un garçon appelé Hassan. Au milieu de la cour carrée de leur petite maison, s’élançait un magnifique figuier. À la mort de son aïeule, Hassan pleura longtemps puis, en souvenir d’elle, prit l’habitude de faire la sieste sous l’ombre fraîche du figuier. Un jour, il fit le rêve étrange d’un vieillard à barbe blanche lui promettant un fabuleux trésor s’il se rendait à Cordoue. Le lendemain, le surlendemain et les jours suivants, le même songe s’imposa à lui. Hassan décida alors de se mettre en route …

Le vieil homme enjoint Hassan de partir pour Cordoue, car à Cordoue se trouve un pont, et sur ce pont il y a un figuier, et sous ce figuier il y a un mendiant, et sous le mendiant se trouve un trésor… Vous trouverez une partie de la version contée de cette histoire sur internet :

Après la lecture de ce conte deux soirs de suite autour de la bougie, tout le monde le connaissait et les plus jeunes (3 et 5 ans) récitaient en cœur les paroles du vieil homme « Hassan ! Va à Cordoue… ». Cette histoire fait également écho à la maison familiale en Tunisie, aujourd’hui abandonnée, et dans laquelle ont grandit les grands-parents de nos enfants, avec en son centre une cour carrée. Nous avons la chance d’avoir au cœur de notre ville de banlieue parisienne 2 beaux figuiers. Ainsi, jour après jour, à chacune de nos balades au centre ville, nous regardons murir leurs précieux fruits. Pour les enfants âgés de 7 ou 8 ans, il pourrait être intéressant de peindre à l’aquarelle un figuier (un sol rouge comme celui que nous avons observé en Tunisie, un ciel jaune or, et faire surgir du sol avec le bleu, le figuier violet). La mélodie de ce conte, nous rappelle les randonnées que nous lisons régulièrement ( L’agnelle ou encore La petite fourmi qui va à Jérusalem, dans Contes merveilleux des pays de France, ed Iona) . Pour accentuer l’ambiance nocturne de ce mois de Ramadân, les enfants peuvent réaliser des photophores à partir d’un pot en verre et de la cire Stockmar®. Vous pouvez ensuite au choix y couler de la cire d’abeille avec une mèche, soit y installer une bougie.

Ramadan
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Repas  – Nourriture

Concernant le repas, le Ramadân est une festivité en la matière. A la mosquée, lorsque plusieurs personnes ramènent des plats, c’est comme si le monde s’asseyait à la même table : les plats à base de riz d’inspiration sénégalaise avec du poisson, mauritanienne avec de la viande, les couscous blancs, les rouges, les salés, les sucrés, les soupes au légume, les rouges et épicés. Même les bricks nous offrent un festival de forme et saveur ! Les grandes au thon des Tunisiens, les petites triangulaires du Pakistan … Cette abondance n’a de sens que dans le partage.

Ainsi le repas est un hommage : un hommage aux cultures, mais aussi à la terre dont la générosité rassasie les corps vides.

Pour les familles qui respectent le cycle des saisons dans leur alimentation, le Ramadân est l’occasion de consacrer les fruits et légumes du moment. De la soupe de légumes, à la salade de fraises pour le dessert, en passant par un plat avec par exemple les premiers poivrons de l’année, les premières courgettes, les petits pois, l’asperge en salade, ou encore une salade de tomate et de concombre enfin arrivés. Le mois de Ramadân de cette année est particulièrement riches en retrouvailles, et ce jusqu’à la fin de ce mois avec le retour des cerises ! C’est comme si chaque jour de jeûne était récompensé par le retour d’un ces délices.

Il n’est pas nécessaire d’être un chef cuisinier, chacun peut laisser libre court à son imagination et réaliser en toute simplicité de bons petits plats avec les enfants. Pour la pleine lune nous avons réalisé une galette avec les dernières poires de l’année et du chocolat, façon galette des rois mais sans le jaune d’œuf dessus pour la laisser blanche. Notre pain a pris la forme ronde de la lune aussi. Pour accueillir le dernier croissant, nous ferons un gâteau type brownie de forme ronde avec de la coco râpée pour dessiner le croissant. Les crêpes au chocolat sont très appréciées aussi tant pour le goûter des petits que pour celui des grands le soir… Les enfants prendront plaisir à découper des biscuits en forme de lune, soit croissant soit pleine lune ou trempés dans du chocolat !

Il faut avouer que le Ramadân est sans doute le prétexte pour des personnes très talentueuses de partager leurs délicieux mets. D’anciennes recettes réapparaissent pour l’occasion, transmises de génération en génération à base de datte ou d’amande par exemple, que le jeûneur mange avant le lever du soleil afin d’y trouver les forces nécessaires pour la journée.

Ramadan
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Lors du précédent pèlerinage à la Mekke, nous avions réalisé une aquarelle en racontant l’histoire de Hajâr qui cherchait de l’eau pour Isma’ïl (Paix sur eux), et qui, après avoir couru entre les monts Safa et Marwa vit apparaître la source miraculeuse, qui fut appelée ZemZem. Nous avions alors inventé une petite chanson pour cette occasion. Nous proposons ainsi régulièrement à nos enfants un verre de zemzem, le matin pour les petits ou au moment de la rupture de jeûne pour les jeûneurs.
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La faune et la flore

Tout l’art islamique consacre les plantes, les arbres, et les fleurs : sur les décorations à l’intérieur et à l’extérieur des mosquées, les maisons, les tapis, les bijoux, la vaisselle… Nous pouvons agrémenter nos repas avec quelques herbes aromatiques poussant à ce moment de l’année telles que le persil ou la coriandre. Les plus chanceux qui disposent d’un jardin pourraient réaliser certaines recettes à base de fleurs (lilas, fleurs de sureau, de tilleul, etc. merci à Papillons et Libellule pour ses idées de recettes !). Nous pouvons aussi embaumer nos demeures avec le parfum des fleurs, les roses sont arrivées !

Sur le modèle du poisson de Pâques de Monique, nous avons réalisé des lunes en pâte à sel. A la pleine lune, les enfants peuvent tisser l’intérieur avec des fleurs (la lavande est de retour) ou tout simplement avec de la laine comme nous l’avons fait, pour laisser les fleurs aux insectes.

Ramadan

Les journées sont longues, il est possible de partir faire une petite balade à l’ombre des arbres, s’assoir ou s’allonger sur l’herbe et écouter les oiseaux chanter, et pourquoi pas s’amuser à reconnaître le chant des oiseaux ! Si les nuits sont intenses et invitent chacun à se recentrer sur lui-même et sa relation avec le Créateur, la lumière du jour nous dévoile les merveilles de la Création. A de multiples reprises le Qur’ân enjoint à l’observation de la nature. Voici donc autant d’occasion pour petits et grands de s’ouvrir aux beautés de la nature : la naissance d’un papillon, la transformation des coccinelles, les oies sauvages et leurs canetons …

La Table de saison

Notre table de saison est actuellement composée de deux parties, à défaut d’avoir la place pour en faire deux distinctes. Une partie est au couleur du printemps, mes filles y déposent régulièrement des choses, changent de place des éléments, en ajoutent, en retirent… c’est même parfois (souvent..) le bazar quand la petite dernière s’en mêle… Disons qu’en ce moment il y a un nid trouvé au sol, des œufs réalisés en laine cardée, une grenouille et des abeilles en laine (selon le tuto de Monique), et de jolis papillons suspendus réalisés avec le modèle du Fanette et Filipin n° 20 Printemps 2018.

A côté, il y a la table destinée au Ramadân avec :

  • la grotte, représentant celle dans laquelle Muhammad (PBSL) s’était retiré au moment où débuta la révélation, nous y placerons un petit Qur’ân lors de la 27e nuit, et une bougie (à pile) sera allumée chaque nuit impaire, au sein de la grotte,

  • une lune réalisée en laine cardée avec un métier à tisser rond,

  • le calendrier lunaire, avec les différentes phases réparties de façon à reproduire un chemin, le dernier croissant se trouve dans la grotte et coïncidera avec les derniers jours,

  • un ange que nous avons réalisé avec des feuilles de maïs il y a quelque temps déjà,

  • le photophore avec la bougie à l’intérieur et que nous prenons avec nous lors de notre histoire du soir et que nous éteignons à la fin de nos prières,

  • un palmier que nous avons réalisé en feutrine,

  • une couscoussière en terre : cadeau d’une famille amie au tout début du Ramadân.

Ramadan
Ramadan
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Ceci est une petite présentation de ce que nous avons pu faire durant ce mois. J’aurai pu vous en dire plus, mais il est bon de laisser libre court à son imagination et réaliser des choses qui correspondent à sa propre famille. La lecture des blogs peut parfois être culpabilisante. Les traditions humaines sont riches, et la pédagogie Waldorf Steiner offre des outils merveilleux pour s’exprimer.

Je proposerai quelques conseils de lecture ou d’activités supplémentaires :

  • proposer aux enfants (à partir de 6 ans) de broder Aid Mubarak par exemple et l’encadrer pour l’offrir,
  • réaliser un petit tapis (dès 4 ans), éventuellement aider les plus petits en brodant dessus,
  • réaliser des bougies qui serviront pour l’année à venir, pour se remémorer du Ramadân passé et se réjouir du temps qui passe et nous rapproche du prochain Ramadân,
  • faire un attrape rêve en forme de lune (le tuto est disponible dans le livre de Monique, La pédagogie Steiner Waldorf à la maison, p.293), …
Ramadan
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Quelques conseils de lectures :

  • Un beau livre sur la fin du mois de Ramadân : M. Hamed, The Last night of Ramadan, Bell pond books, recommandé par l’école Steiner de NY. Un enfant nous raconte l’effervescence qui anime sa famille le dernier jour du Ramadân.

  • M. Shahegh, The green musician, Wisdom Tales. C’est la rencontre entre le Roi Khosrow et le musicien Bârbad qui nous y est contée. Le héro doit attendre l’arrivée du printemps, pour enfin rencontrer le roi dans ses jardins, déjouant ainsi la jalousie de son adversaire. Une belle histoire qui encourage l’enfant à ne pas lâcher ses rêves.

  • Pour les plus âgés, peut être à partir de 9 ans, S. Mowjood, The boy and the Owl, FONS VITAE. Tout au long de l’histoire, nous suivons un jeune garçon et ses questionnements sur les attributs de Dieu. Dans sa quête de réponses, un hibou l’accompagne et l’aide à trouver ses réponses. Ce livre s’appuie sur un poème de Muhammad Ibn Ja’far al-Kattani.

  • Pour les plus âgés encore, un magnifique livre retraçant le voyage d’Ibn Battuta, J. Rumford, Traveling Man the journey of Ibn Battuta, 1325-1354. Les dessins et les calligraphies font de ce livre une invitation au voyage.

Tous ces livres sont en anglais, mais il ne faut pas s’en effrayer. Ils sont tous très accessibles.

Pour terminer, voici quelques livres en français sur lesquels il y aurait énormément à dire. Tous sont de Nacer Khemir, ce Grimm arabe. Grâce à lui, le lecteur non arabophone peut enfin rencontrer ces contes populaires, magnifiquement traduits.

A partir de la 2e classe, les enfants retrouveront les fables de kalila wa dimna dans son Alphabet des sables, SYROS, A partir de 7 ans, le Livre des Djinns, SYROS, dont la dédicace résume à elle seule la démarche de ce conteur. Beaucoup de ces contes font écho à ceux que nous connaissons en France notamment des Frères Grimm, à ceci près que très souvent, on pense deviner la fin par comparaison mais on finit par se faire surprendre ! Un délice ! Surtout s’ils sont racontés lors de chaudes soirées d’été sur une terrasse sous les étoiles. A partir de 7 ans, Le chant des génies, Actes Sud. Idéal pour les enfants qui travaillent la multiplication !
Ramadan
Ramadan

La tradition islamique regorge de récits qui peuvent être racontés aux enfants. Un récit en particulier nous rappelle un conte, repris dans le numéro 11 de Fanette et Filipin (Hiver 2015-2016). Un jeune prince s’en va aider les villageois, déguisé en voyageur il fut recueilli par une famille pauvre, et le pain qui leur laissa ne se tarit qu’après avoir été longuement partagé. Nous trouvons un récit très proche dans le recueil Ryadh as-Salihîn (Le jardin des vertueux – récit n°520- 521), un homme découvrant Muhammad (PBSL) affamé, rentre chez lui demander à son épouse de préparer un repas pour le Prophète. A l’invitation de l’homme, Muhammad (PBSL) appelle tous ses compagnons présents à le suivre chez l’homme, lequel rentre chez lui prévenir son épouse en panique. Bien sûr, le repas et le pain permirent à toute l’assemblée de se rassasier. Dans un autre récit (n°502), Muhammad (PBSL) invita chez lui un homme qui semblait souffrir de la faim. Avant de lui offrir du lait, il lui demanda d’aller chercher un autre groupe d’hommes, ce qu’il fit. Tous purent se rassasier de ce lait.

Et pour finir, voici une petite chanson que j’ai composée pour marquer le cycle de la lune et que mes filles chantent haut et fort dès qu’elles aperçoivent la lune :

Lune Lune te voilà ! (On insiste sur le « e » de lune et la dernière voyelle du vers est prononcée longuement) Ramadân est là ! Lune Lune te voilà ! Ramadân est là ! ** Lune Lune grandit grossit ! Ramadân est un mois bénis (x2) *** Lune Lune grandit grossit ! Les shayatin sont partis (x2) **** Lune Lune te voilà ! Toute entière devant moi ! (x2) ***** Lune Lune repose toi ! Bien vite tu reviendras ! (x2) ****** Lune Lune repose toi ! Ramadân s’en va… (x2) *** *** * Lune Lune rétrécis ! Ramadân est bientôt fini (x2) *** *** ** Lune Lune repose toi ! Bien vite tu reviendras… (x2) Etc.

Nous reprenons cette chanson et la modifions selon le mois et les fêtes qui y sont liées comme le pèlerinage, ou encore ‘Ashoura, mais ça… c’est une autre histoire !

Pour écouter les filles de Déborah chanter "Lune, lune, te voilà"

Merci de m’avoir lu, j’espère que ce partage nourrira votre imagination … Déborah
méditations

Crédit photo Aurore de Hulster

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